B. L’intégration par le développement
1. L’extension de la mondialisation finit par gagner l’ensemble des territoires et de les intégrer progressivement à une économie mondialisée. Les marges tendent à se réduire par le biais de processus multiples d’aide au développement (ex: 2005 : accords G8 de Glenn Eagles : effacement partiel de la dette de 18 Pays Pauvres Très endettés), d’investissements productifs, de construction de réseaux (transports, téléphonie ), d’une culture mondialisée « mainstream » transitant par le web, et par le rôle des migrants et diasporas assurant un échange culturel entre les pôles d’émigration, et les pôles d’immigration, souvent métropoles au centre de la mondialisation, sinon « villes mondiales ».
2. Au Brésil, sous présidence Da Silva, des programme de la « Bolsa familia » (2003) allocation aux plus pauvres en échange de la scolarisation et suivi médical des enfants ( 12,4 millions de familles bénéficiaires en 2009)ont permis, dans une période de croissance économie, de sortir de la pauvreté 40 millions de Brésiliens.
3. Le micro crédit, inventé par Muhammad Yunus de la Gramen Bank en 1977, a permis au Bangladesh d’insérer dans l’économie marchande 8,3 millions d’emprunteurs dont 97% de femmes, jusqu’alors exclues du système bancaire. Le micro-crédit est désormais pratiqué par prés de 10 000 établissements dans plus de 80 pays et 190 millions de débiteurs pauvres dans le monde en bénéficient.
4. L’innovation technologique permet de compenser le retard dont souffraient les territoires de marge : panneaux photovoltaïques palliatifs de l’insuffisance des réseaux électriques, téléphonie mobile dont le coût des infrastructures (antennes relais) très inférieur à celui des réseaux du téléphone filaire, a permis une connexion au monde. Le nombre abonnés au téléphone mobile en Afrique est passé de 646 000 abonnés en 1995 à 270 millions en pour atteindre 720 millions début 2013. L’objectif en Afrique est désormais d’obtenir la 3G sur tout le continent.
Les économies alternatives et les territoires en résistance à la mondialisation
A. Les espaces préservés et sanctuarisés de la mondialisation : le rôle de la gouvernance mondiale.
La sauvegarde des patrimoines culturels face au processus d’uniformisation ou d’acculturation liée à la mondialisation est le fait de l’Unesco, dont l’effort contemporain porte sur la préservation et la promotion de la diversité culturelle,avec notamment le classement de sites mais également de biens immatériels au patrimoine de l’humanité. Cette gouvernance permet d’accompagner les politiques des États de préservation des réserves naturelles, réceptacles de la bio-diversité, par le biais des politiques de parcs nationaux. Certains peuvent être des échecs telle l’ initiative de Yasuni en Equateur en 2007. Les États-Unis furent en la matière pionnier avec, bien avant le processus de mondialisation, la création du 1er parc naturel national, Yellowstone en 1872 !
B. Des territoires en résistance ou les refus de la mondialisation : acteurs de l’altermondialisation.
Dans les Amériques, la défense de l' « indianité», des droits des populations autochtones, se fait, tel en 1999, avec la création d’un territoire administratif du « Nunavut » au Canada, par la lutte contre l’intensification des projets d’exploitation mercantile. Les mouvements indigénistes s’appuient sur déclaration des droits des peuples autochtones des Nations Unis (2007) qui stipule que tout projet sur des territoires indigènes ne peut se faire qu’en concertation avec les populations qui y vivent.
Militant de la démondialisation, économie associative du don-contre don ( Système d’Echange Local-SEL), Association Pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne (AMAP), mouvements citoyens pour le consommer local, défenseurs d’une agricultures de subsistance (ex: 1994, Mouvement des paysans sans terres au Brésil), militants anti-OGM, « Zadistes ( Z.A.D. zones à défendre ) opposés à la construction de grandes infrastructures de transports ou de mall commerciaux, forment autant de variations de résistance aux logiques de la mondialisation. Ces populations qui cherchent à se protéger de la mondialisation sont le fait de minorités au sein des pays développés, actives surtout en Europe.
C. Les États faillis : l’obstacle à la mondialisation.
La disparition de l’autorité étatique, la perte de contrôle de souveraineté d’un État sur partie ou totalité de son territoire, sapent les règles du processus de mondialsiation. La faillite cadre politique génère le désordre économique. Les « zones grises », les territoires marqués par les destructions et les violences politiques sont les centres névralgiques des activités illégales dont les réseaux se ramifient jusqu’au coeur des territoires centraux de la mondialisation. Dans les territoires en rébellion, la dynamique conflictuelle est intrinsèquement liée aux trafics illégaux, tels celui de l’opium en Afghanistan, de la cocaïne dans la guerre entre l’ État colombien et l’ ELN et les FARC jusqu’en 2016, de la piraterie maritime dans le golfe d’ Aden au large de la Somalie .
III Les territoires de marge au coeur de la mondialisation
A l’inverse des territoires en marge résiduelle, les territoires de marge sont ceux dont l’économie profite de la faiblesse de l’ordo-mondialisation, du libéralisme pour se développer en marge des règles de la mondialisation : territoires des processus internationaux informels, illicites ou illégaux. Il s’agit de territoires en expansion, au coeur même de la mondialisation : activités qui prospèrent grâce à la qualité de connexion des territoires aux réseaux de communication et au processus de libéralisation et à la faiblesse de gouvernance économique mondiale. Ce ne sont pas des marges périphériques mais des activités de marge profitant des réseaux de la mondialisation, en sont centre même: territoires mais de l’ensemble des espace informels, illégaux et échappant à tout contrôle étatique, ceux d’une mondialisation interlope, de la géographie du crime, des « zones grises ».
A. Les territoires de la mondialisation interlope : sociétés et territoires, intégrés à la mondialisation, mais gangrenés par les activités illégales
Economies des États faillis et territoire du crime (trafic, traite humaine, contrebande, activités illégales), territoires marqués par l’absence ou la défaillance de structures étatiques et de contrôle : territoires non contrôlés par les États, « zones grises », États faillis. ex : le Kosovo, plaque tournante du trafic d’armement vers l’Europe occidentale, la Libye à l’origine de trafic humain des migrants clandestins à travers la Méditerranée, les régions frontières telles celles des cartels de la drogue mexicaine du Sinaloa, du Sonora ou des villes de Tijuana ou de Ciudad-Juarez. Les territoires frontaliers mexicains, mais plus généralement l’ensemble du Mexique est gangrené par la violence liée aux mafias et trafics vers la frontière américaine : 25 400 morts en 2017, 200 000 morts entre 2006 et 2017. La « Pax mafiosa » prospére là où existent les inégalités sociales, la pauvreté qui exclue une partie de la population, terreau de la corruption et du clientélisme mafieux.
Banlieues et bidonvilles: « zones grises urbaines », favelas brésiliennes, quartiers des « Mingongs » chinois. Au Mexique, selon Ricardo Ravelo, journaliste au «Proceso», en 2012, les cartels contrôleraient 70% des 2 200 villes du Mexique. Mais ces territoires ne sont pas le fait que d’États issus du Sud ; les pays développés connaissent des enclaves urbaines, cette névralgique des trafics illégaux : gangs des cités au coeur de la crise des banlieues en France, ghettos urbains, zone de non droit au coeur des agglomérations centre de la mondialisation, et/ou stigmatisés comme tels, à l’instar des quartiers Nord de Marseille, du Mirail à Toulouse.
La contrefaçon industrielle utilise les mêmes réseaux (commerce par les flux de conteneurs), développe les mêmes stratégies (la vieille technologique) que les activités licites, et se localisent dans les mêmes aires géographiques de délocalisation des activités manufacturières, celle des «pays ateliers» de la mondialisation (hier Chine littorale, Inde, Turquie, Thaïlande, aujourd'hui Bangladesh, Pakistan, Philippines).
B. Les territoires de « l’esquive »
Economies au coeur des territoires de la libéralisation financière mondialisée : territoires exemptés totalement ou partiellement de contrôles étatiques, tout en bénéficiant d’une intégration dans les réseaux où, profitant de cette liberté, les activités illicites voire illégales prospèrent.
Échapper au contrôle étatique et à la gouvernance mondiale : Economies illicites, territoires jouant de la faiblesse de la gouvernance mondiale. Il s’agit de marges « invisibles », celles d’activités non officielles mais intégrées à l’économie marchande, ou des flux immatériels, ultradéveloppées par les T.I.C.
o L’économie informelle : concept désignant emplois privés de travailleurs indépendants, de microentreprises, et des travailleurs non rémunérés, entreprises familiales, et par extension des activités légales mais dont les revenus sont délibérément dissimulés aux autorités légales et administratives : absence de respect du code du travail, absence de fiscalité : 40% de l’activité dans les pays en développement.
o Paradis fiscaux : territoires qui permettent aux ressortissants étrangers de se soustraire à la règlementation financière, à l’impôt ou à la taxation de leur pays d’origine et qui leur garantit le secret des opérations financières. Il s’agit de territoires enkystés au coeur même des réseaux et des centres de la mondialisation : États insulaires des caraïbes, mais aussi Malte, les ïles anglo-normandes, île de Man, le Luxembourg, la Suisse, Chypre ou l’Eire. De ce point de vue, et de manière paradoxale car étant aussi des centres de la financiarisation au coeur la mondialisation, le Luxembourg, la Suisse sont des territoires de en marge de la mondialisation. Selon Gabriel Zucman, les paradis fiscaux détiendraient à l’échelle mondiale en 2013, 8% du patrimoine financier des ménages. Ainsi, les fortunes détenues en Suisse atteindraient en 2017, 2 100 milliards d’euros (soit 3 fois le PIB de la Suisse). L’évasion fiscale internationale priverait les États du monde de 350 milliards d’euros par an, dont 120 milliards uniquement pour l’Union européenne, selon le « paradise papers » publié en novembre 2017 par l’ICIJ. La stratégie d'optimisation fiscale uniquement des entreprises américaines serait de l’ordre de 120 milliards d’euros par an, selon Gabriel Zucman.
C. La lutte : l’intégration par la gouvernance mondiale
La criminalité organisée par des sociétés transnationales ouvertes et fluides, bénéficiant des réseaux de communication numérisé, tout comme les stratégies d’optimisation fiscale, a un avantage considérable par rapport à une lutte judicaire et policière, ou administrative et fiscale, territorialement cloisonnée car menée à l’intérieur des frontières des États souverains. Les actions interétatiques pur lutter contre la criminalité organisée sont aussi anciennes que le processus même d’internationalisation, préalable à la mondialisation, avec dés 1912 la convention internationale de l’opium, ou en 1923, la création de l’organisation préfigurant l’Interpol.
Gouvernance internationale contre le crime et les activités illégales : création d’Interpol (1946), de la Drug Enforcement administration (DEA) aux États-Unis en 1973, du GAFI (groupe d’Action financière) en 1989, d’Europol en 1995, de l’Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime ( ONUDC) en 1997, Initiative de Mérida en 2007 : programme de coopération économique et militaire (États-Unis Mexique + 9 pays de l’Amérique Centrale et Caraïbes) pour combattre le narco-trafic). Mais la lutte internationale contre le crime organisé n’est pensée de manière globale qu’à partir du moment où elle est liée à des activités terroristes ou de production d’armes de destruction massive : résolution 1 373 de l’ONU, 28,11,201, plaçant le terrorisme au coeur de la lutte contre les phénomènes criminels transnationaux.
Vers une gouvernance fiscale mondiale ?
o Création du groupe d’Action financière (GAFI) au sein de l’OCDE (1989), de l’Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime (ONUDC) (1997), convention des Nations Unies contre la corruption (CNUCC) ratifiée par 136 États (2003), loi FACTA (Foreign Account Taxe Compliance Act) aux États-Unis (2010).
o Pour obliger les paradis fiscaux à modifier leurs législations bancaires, « blacklistage » et sanctions, armes de la lutte contre les paradis fiscaux : 2009, l’OCDE publie une première liste des paradis fiscaux, la France en 2013, et l’Union Européenne en décembre 2017, une « liste noire » de 18 États non coopératifs, ramenée à 10 en janvier 2018…
Conclusion
La marginalisation dans la mondialisation relève de deux dynamiques opposées, celles de territoires en marge, résultant d’une inertie historique, celle du mal développement, , comprenant les trois-quarts de la population mondiale exclus de la richesse mondiale. Cela résulte du faible degré intégrateur d’une mondialisation excluant parce qu’ultra polarisante. En même, la mondialisation favorise l’expansion des territoires de marge, générés par les faillites de gouvernance interétatiques une mondialisation, libérale et faiblement régulée.
La marginalisation relève donc tant d’un processus subi (exclusion) que voulu (préservation), ou visant à se soustraire aux règles de la mondialisation. Mais, il n’existe pas de territoires et populations totalement exclus ou préservés de la mondialisation, pas de « sanctuaires absolus », ni d’exclusion totale : économie intégrée et économie sous-terraine, illicite ou illégale peuvent coexister au sein des mêmes territoires, centres de la mondialisation. On peut espérer que Le processus de mondialisation intègre progressivement, par le développement des connexions, l’aménagement des les territoires et favorise une émergence économiques d’une parties des populations jusqu’alors laissées en marge du même temps, par l’insuffisance de sa gouvernance, par l’insuffisance des régulations et des contrôles étatiques et interétatiques, le processus de mondialisation risque de continuer à générer des territoires de marge, au coeur même de la mondialisation, empruntant les réseaux et connexions de la mondialisation :paradis fiscaux et économie informelle prospèrent au rythme de la mondialisation .